Les patrouilles de nuit, c’est foooollement excitant. Surtout quand on patrouille en compagnie du chef, du lieutenant et d’un autre guerrier et qu’on s’avance vers les frontières du Clan de la Rivière. Petit apprenti n’avait qu’un espoir, pitié qu’il y ait des intrus, pitié que ce soient ces barbares de guerriers poissons. Histoire qu’il puisse en laminer un ou deux pour protéger son territoire. Et leur foutre une branlée magistrale en extériorisant la haine viscérale qu’il leur portait, entretenue et animée par une Etoile du Mystère qui faisait de lui une arme, ce qui ne dérangeait pas plus que ça Nuage de Lame. Tant que la meneuse l’entraînait pour qu’il devienne plus puissant et qu’il puisse botter le cul des guerriers du Clan de la Rivière, elle pouvait bien en faire ce qu’elle voulait. Une arme de jet, une pelle à tarte, un couteau à dépecer la peau des chats du Clan de la Rivière, bref vous m’avez comprise. Malheureusement ils ne croisèrent aucun ennemi et terminèrent leur patrouille en silence, marquant consciencieusement leur territoire, pendant que l’apprenti gravitait autour d’eux en chassant les rares proies insomniaques qui s’offraient à lui. Ils rentrèrent au petit matin, et l’apprenti, loin d’être épuisé, avait boulotté un mulot avant de repartir en patrouille matinale avec un groupe de guerriers et un autre apprenti fraîchement nommé qui en profitait pour découvrir le territoire.

La fatigue commençait à se faire sentir. Profitant de la patrouille, le nouveau mentor entraîna son apprenti en expédition de chasse, proposant à Nuage de Lame de se joindre à eux. Ouais, pourquoi pas. Le silencieux apprenti noir de jais s’était donc mêlé de l’apprentissage, acceptant sans rechigner de suivre les cours depuis le début. Technique pour chasser le lapin, technique pour chasser les rongeurs, bref il avait revu toutes ses bases et était parti chasser avec l’autre apprenti, vu que le mentor avait proposé une compétition pour motiver son nouvel élève. Pas du tout porté sur la compétition, le jeune novice noir et taciturne s’était contenté de chasser et d’empiler les proies, gagnant haut la main la pseudo-compétition entre eux deux. Et à l’apprenti dépité, il s’était senti obligé de murmurer qu’il était apprenti depuis plus longtemps que lui et qu’Etoile du Mystère était un mentor impitoyable qui n’acceptait pas les erreurs. Et qu’il s’était très bien débrouillé pour une première fois. Bref il lui avait gentiment remonté le moral, se sentant sourire en voyant le jeune novice bomber le torse, tout fier de sa performance. A la fin de la patrouille matinale, les guerriers et les apprentis attrapèrent les proies en gueule et ramenèrent tout à la réserve. Restant avec le nouveau novice, Nuage de Lame attrapa un campagnol et une mésange bien dodus, avant de s’affaler près d’une pierre brûlante. Et tout en mangeant, il fit la conversation à son camarade de dortoir, jusqu’à ce qu’il reparte en entraînement avec son mentor. Jetant un regard vers la tanière du chef, Nuage de Lame se demanda ce qu’Etoile du Mystère avait prévu pour lui. Ne la voyant pas sortir, il se leva, s’étira pour faire craquer ses articulations, et se dirigea vers la tanière des apprentis pour dormir. Mais à peine entrée, il remarqua la présence de Nuage de Panthère, qui le salua d’un air à la fois ennuyé et plein d’espoir.

« Salut, Nuage de Panthère. »

Nuage de Lame ne connaissait que de loin sa camarade tigrée. Il savait qu’elle faisait partie de sa promotion, qu’elle avait Brin d’Osier en mentor, qu’elle était vive et enjouée, et ça s’arrêtait là. Tant qu’elle ne se montrait pas aussi bavarde que cette pie de Nuage de Printemps, il y avait moyen de la trouver sympathique. Après avoir salué l’apprentie, Nuage de Lame se dirigea vers sa propre couche en mousse, et s’y coucha gentiment avec un murmure de satisfaction. J’ai passé la nuit et la matinée à patrouiller, laissez-moi dormiiiir. Mais Nuage de Panthère semblait bien décidée à tuer le temps en lui faisant la conversation. Arf. Tiraillé entre son désir de dormir et les bonnes manières – on ne fout pas un vent à une demoiselle, ça ne se fait pas – Nuage de Lame rouvrit les yeux, les étrécissant à deux fentes qui laissaient bien apercevoir son état de fatigue. Fais la conversation à la madame, mon petit choupinet.

« Hmmm … T’as passé une bonne journée ? »